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Anne-Lise

 

Annelise, enfant atteint d'anencephalie

22.7.2002 - 23.7.2002

"Ma vie n'est qu'un seul jour"
Ste Thérèse de l'Enfant Jésus

Mon nom est Anne-Lise. Je suis venue parmi vous pour un peu de temps seulement. Mon séjour en ce monde fut très court : neuf mois de grossesse et... un jour après ma naissance.

Pourquoi ma vie fut-elle si courte? A l'occasion d'une échographie réalisée au 4e mois de grossesse, mes parents ont appris que j'étais atteinte d'une malformation grave: l'anencéphalie (absence de cerveau et de voûte crânienne). Une telle anomalie me laissait une espérance de vie très réduite. Selon les spécialistes j'étais condamnée... Mes parents n'ont pas compris: pourquoi cela?

Bien-sûr, on leur a rapidement conseillé une I.M.G. (Interruption Médicale de Grossesse). A quoi bon prolonger mes jours puisque je n'étais pas viable. Certes, je comprends que ce mal mystérieux vous effraie, il vous aurait peut-être semblé préférable d'effacer ce "raté", de faire disparaître cet échec.

Et pourtant la souffrance demeure.

Interrompre ma vie avant qu'elle ne s'arrête (naturellement) aurait-il atténué la souffrance? Tous ces gestes d'amour qui m'ont été donnés par la suite, les aurais-je reçus si l'on m'avait supprimée?

Oui, j'ai reçu beaucoup d'amour! J'ai d'abord ressenti les petites mains de Jean-Baptiste, mon grand frère, sur le ventre de ma maman. Puis sur mon corps fragile des mains se sont posées: celles qui m'ont fait naître, celles qui m'ont lavée et celles qui m'ont habillée. J'ai senti sur moi les tendres baisers de mes parents, les bras de ceux qui m'ont accueillie. Dans mon agonie un linge passait sur mon visage... Ils sont nombreux les gestes d'amour que j'ai reçus.

Qu'importe si je n'ai vécu qu'un seul jour. La valeur de l'amour n'attend pas le nombre des années. L'amour reçu, l'amour donné voilà ce qui a du prix ; je vous l'assure, l'amour semé, tôt ou tard fleurira.

Peut-être doutez-vous que je sois un être humain ? J'étais si défigurée par mon infirmité (mon absence de cerveau, la plaie de ma tête), que je comprends que vous soyez troublé. Comme Jésus mon Sauveur, défiguré sur le bois de la Croix, je n'avais presque plus apparence humaine. Ne suis-je pas venue cependant par l'union d'un homme et d'une femme, mon papa et ma maman ? N'est-ce pas Toi mon Créateur qui a créé mes reins, qui m'a tissée dans le sein de ma mère ? Je te rends grâce pour la merveille que je suis (psaume 139).

Mon âme t'a rejoint. Auprès de Toi pour l'éternité elle chante ta gloire avec la cohorte des saints innocents, des martyrs, des saints de tous les temps et la foule des élus.

Oui, ma vie est une histoire sacrée ; elle vaut la peine d'être vécue, aussi courte et blessée qu'elle ait pu être.

A toi qui lis mon histoire, je te promets de prier pour toi. Si tu le veux, j'intercèderai pour que là où je suis, tu me rejoignes un jour, lorsque ton heure sera venue.

Tout ce que je viens de te dire, je l'ai fait comprendre à mes parents et ce sont eux qui ont écrit ce texte. Il aura fallu 9 mois et un jour pour cela...

Anne-Lise

 

Témoignage de la maman d'Anne-Lise

Le 22 juillet 2002, j'ai mis au monde Anne-Lise, notre deuxième enfant. Elle était anencéphale et a vécu 25 heures.

Ma grossesse avait débuté fin octobre et rapidement j'ai souffert de nausées importantes, comme pour notre fils Jean-Baptiste. Malgré tout, j'étais heureuse d'attendre cet enfant car nous désirions voir notre famille s'agrandir. Lorsque le moment de la première échographie est venu (12 semaines de grossesse), je n'ai pu effectuer cet examen en raison d'une grève des médecins échographes. En décembre j'ai fait un décollement placentaire qui m'a contrainte à rester allongée. J'avais peur de perdre ce bébé et j'ai été rassurée lorsque tout est rentré dans l'ordre à la suite d'un traitement hormonal.

J'ai donc attendu 22 semaines de grossesse pour effectuer ma première échographie. A ce moment-là, j'étais confiante; j'étais loin d'imaginer ce que j'allais apprendre.

J'étais seule avec le médecin échographe. Quand il m'a dit, en regardant fixement l'écran: "Il y a un problème" et m'a annoncé la malformation, j'ai ressenti une immense douleur dans mon coeur.

Pourquoi cela ? Pourquoi moi ? Pourquoi tant de souffrances: nausées, décollement... pour en arriver là ?

Le médecin m'a expliqué que la survie à la naissance serait très courte. Tout de suite il m'a conseillé une I.M.G. (Interruption Médicale de Grossesse) et a téléphoné à mon gynécologue pour l'informer. L'I.M.G. apparaissait comme une évidence, il ne semblait pas y avoir d'autre issue.

Malgré ma douleur, l'évidence pour moi était tout autre: je ne pouvais pas interrompre cette grossesse.

Je lui ai donc dit: "Je suis catholique pratiquante et je ne souhaite pas interrompre cette grossesse."

Je suis rentrée en larmes à la maison et j'ai appelé ma mère et ma belle-mère. Leur réponse a été similaire: "Que vas-tu faire? Tu ne peux pas poursuivre cette grossesse jusqu'au bout, ce serait trop dur!"

J'attendais une autre réponse, aussi ma détresse était-elle grande. Je ne voulais pas apprendre la nouvelle à Philippe, mon mari, sur son lieu de travail. J'attendais donc qu'il rentre. J'ai alors pensé à l'Eglise. Là on me dirait bien qu'il fallait "garder" l'enfant, ce que je désirais de tout mon coeur. J'ai donc appelé le prêtre de notre paroisse et une religieuse très proche. Les réactions ont, là encore, été décevantes: "Qu'a dit le gynécologue?", "Il ne faut pas chercher l'épreuve pour l'épreuve."

Philippe est enfin rentré. Premier réconfort : il m'a prise dans ses bras. Deuxième réconfort: j'ai senti qu'il partageait cette conviction profonde qu'une vie est sacrée et qu'on ne peut la supprimer. Oui, de tout notre coeur, nous voulions rester fidèles à ce commandement de Dieu: "Tu ne tueras point."

Plus tard, nous avons rencontré des personnes qui nous ont encouragés dans notre choix. Telle personne a pu dire: "C'est bien ce que vous faites!", telle autre: "Votre courage m'interpelle...", une autre encore: "Je vous félicite pour votre choix!"

Enfin, certaines personnes ont évolué. A leur tour elles nous ont encouragé ou ont reconnu notre choix :

"Il faut que tu la fasses naître. (...) Il vaut mieux privilégier le long terme et prendre les voies d'une bonne cicatrisation" (le prêtre de notre paroisse);

"On peut leur dire merci!" (la religieuse à nos parents).

La grossesse s'est ensuite poursuivie normalement jusqu'à son terme. Prendre la décision de provoquer l'accouchement m'a été bien douloureux mais j'ai compris que médicalement c'était là une sage décision. En effet, l'avis de mon gynécologue était que l'accouchement ne se déclencherai pas naturellement. Il y a avait donc un risque important de prolongement de la grossesse au-delà du terme. Pour respecter le plus possible l'ordre naturel des choses, nous avons retenu comme date le 22 juillet. Ainsi, l'accouchement aurait lieu au terme des neuf mois de grossesse.

Lorsque le moment est venu d'entrer à la maternité (Polyclinique Urbain V à Avignon), je me suis sentie assez forte pour traverser l'épreuve. Nous avions "tout" préparé:
plusieurs petits bonnets (tricotés sur mesure par l'arrière-grand-mère),
une jolie petite robe blanche,
deux appareils photos,
des mouchoirs en papier...

Pourtant, la nuit qui a précédé l'accouchement a été terrible : je ne suis pas parvenue à trouver le sommeil.

Le lendemain, je suis montée en salle d'accouchement. La sage-femme qui m'a accueillie a été très discrète et ne m'a parlé de rien. Elle m'a installée vers 8 heures 30. Les contractions, qui ont commencé tout doucement, ont été peu efficaces : la dilatation du col se faisait mal.

Vers 14 heures j'ai atteint 3 cm, la sage femme a donc percé la poche des eaux. Ce moment a été bien pénible tant je trouvais injuste de forcer la nature en faisant sortir ainsi la petite.

Tout a ensuite été très vite. Je suis alors passée de 3 à 9 cm en moins de 2 heures! Les douleurs sont alors devenues très violentes tandis que l'anesthésie péridurale restait insuffisante...

Auprès de moi se tenaient Philippe et une amie qui me soutenaient de tout leur coeur. Leurs attentions m'étaient d'un grand secours. Grâce à la compétence du gynécologue l'expulsion a été très rapide.

Anne-Lise est née à 15 heures 45.

L'attitude du gynécologue nous a beaucoup touchés ; il nous a demandé à chaque étape ce que nous voulions faire: couper le cordon, lui faire donner des soins médicaux, etc. Sa discrétion témoignait d'un profond respect de notre choix et de l'enfant.

Dès la naissance, la sage-femme lui a mis un petit bonnet et l'a posée sur mon ventre. Bien qu'elle soit née à terme, son corps était recouvert de vernix et elle était toute petite (2,2 kg).

Il y a eu un temps de silence; elle ne semblait pas vivante et nous avons hésité à la baptiser. Le gynécologue a écouté son coeur. Il battait. Peu à peu elle s'est mise à respirer et a émis de faibles cris. La sage-femme est allée l'habiller et nous l'a ramenée rapidement.

Après l'accouchement, Anne-Lise est toujours restée avec nous à la clinique. Des membres de notre famille et quelques amis sont venus la voir et l'ont prise dans les bras. Notre petit garçon, très impressionné, a fait de même.

Plus tard, Philippe à souhaité lui faire donner un biberon. Elle n'a rien pu prendre mais ce geste d'amour apparemment vain nous a fait beaucoup de bien: il a donné notre plus belle photo, celle qui demeure exposée dans notre maison.

J'ai gardée la petite dans mon lit toute la nuit car je ne voulais pas qu'elle meure toute seule. Elle semblait souffrir et cela m'était pénible de la voir en difficulté pour respirer.

Le lendemain, quand des amis sont venus prier avec nous, elle était beaucoup plus faible: sa respiration devenait très espacée. Son agonie nous semblait interminable. C'est à la fin de nos prières qu'elle a enfin cessé de respirer dans un dernier sursaut.

Peu après, le personnel l'a emmenée en chambre mortuaire.

J'ai pleuré toute la nuit. Le lendemain, à ma demande, j'ai quitté la maternité car mon état le permettait.

Nous avons enterré Anne-Lise trois jours après, selon le rituel catholique. Pendant les obsèques nous avons essayé d'exprimer notre espérance en la résurrection malgré notre douleur.

Aujourd'hui, nous sommes heureux d'avoir pu accueillir ainsi Anne-Lise malgré son infirmité et surtout de ne pas avoir abrégé ses jours. Ce choix nous garde toujours dans la Paix bien que la souffrance demeure.

Delphine

 

Le 23 avril 2006, Jonathan, le petit frère à Anne-Lise, est né en bonne santé

L'adresse des parents d'Anne-Lise peut être obtenue auprès du webmaster.

 

 

Dernière mise à jour de cette page: 05.02.2019